Dessin d’humour : Interview de Voutch
Rencontre avec le dessinateur Voutch
Connaissez-vous Voutch ? Ce dessinateur d’humour me fait mourir de rire ; Il dessine dans de nombreux magazines français comme Psychologies Magazine. Il a accepté de me parler de son métier, de comment il crée ses dessins d'humour. Voici l'interview :
Qu’est-ce qui vous fait le plus rire dans la vie ?
Voutch : Ce sont les idiots ! Ceux qui génèrent les situations absurdes. J’aime l’absurde ; le seul qui a vraiment réussi à faire aimer l’absurde aux français, c’est Raymond Devos. Il arrivait à entraîner les gens sur des territoires où ils ne seraient pas allés naturellement, par le jeu de mot.
Riez-vous toujours de vos dessins ?
V : Ça m’arrive de rire, mais c’est plutôt une jubilation, au tout début, quand je trouve l’idée. Je ris en imaginant ce que je vais faire, mais après, quand je suis parti dans le travail, je ne ris plus.
Quand je fais mes dessins, je travaille tellement dessus qu’au bout d’un moment, ça me dégoûte, d’ailleurs je sais qu’un dessin est terminé quand je ne peux plus le voir.
« Tout l’art de l’artiste, c’est de donner l’impression que c’est fait très spontanément, rapidement. »
V : En fait, c’est très laborieux : je dessine toutes les zones du dessin. Le dessous de l’étagère en haut à gauche, que personne ne va regarder, je le dessine. Il faut que ce soit là, le faire pour que ça ne gêne pas la perception globale du dessin. Si les trucs pas importants ne sont pas là, ça perturbe l’œil.
Ce qu’il faut savoir, c’est que dans un dessin, le lecteur va considérer qu’un dessin est bien s’il n’a pas fourni un effort très important. Il faut lui simplifier le boulot par l’ambiance, la composition, les couleurs. Ça ne doit pas être un travail, c’est une devinette. Quand il a trouvé la solution au problème, il rigole parce qu’il est super content. C’est compliqué de faire une image qui soit simple à comprendre. C’est une discipline, il ne faut pas que l’œil s’égare, il faut qu’il aille là où on veut qu’il aille. Si l’idée est mal faite, ça va poser un problème au lecteur et il va tourner la page très énervé. Il déteste ça.
Avez-vous un premier public auquel vous montrez vos dessins avant de les envoyer ?
Non, c’est moi-même, depuis le temps, je me fais confiance, je suis toujours à la bourre. Je travaille sur plusieurs jours, la gouache, c’est long.
Je demande un avis extérieur pour les idées, car on peut se tromper complètement. Est-ce que mon dessin rend l’idée et la rend suffisamment vite ?
Vos dessins sont-ils toujours acceptés tels quels par vos clients ?
V : Oui, toujours, je leur fais valider un rough avant, et ils prennent le dessin tel qu’il est. Les retouches à la gouache sont difficiles, longues. Mon statut d’auteur me protège. Dès le début il faut montrer les dents. Il y a tout un travail d’intimidation pour aller chercher ce statut. Il est plus facile à obtenir pour un dessinateur d’humour que pour un illustrateur. Il est par essence un auteur.
Vous vous définissez plus comme dessinateur d’humour que comme illustrateur ?
V : Oui, comme dessinateur d’humour et pas du tout comme illustrateur. L’illustration est pour moi une façon complètement anecdotique de faire du beau. Je ne veux pas faire du beau, moi, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, le dessin est le véhicule d’une idée. Ce sont les idées qui font la différence. Par exemple en presse, ils savent très bien qu’ils ne vont pas trouver les idées. Pour une illustration, s’il y a un problème de stylisme, ils se sentent compétents, mais quand il s’agit d’un dessin qui transmet une idée, là ils ne savent plus. Ils ont choisi un dessinateur parce que globalement ils aiment bien ce qu’il fait, après c’est à lui de faire son travail, s’il se plante ça le regarde. Bien sûr, s’il se plante 3 fois de suite, ça remettra en cause sa collaboration avec le client.
Etes-vous un boute-en-train dans la vie ?
V : Ce n’est pas la réputation des humoristes en général ! Je pense à Chaval, qui était extrêmement déprimé. Il y a beaucoup d’humoristes qui se suicident. Ce sont des personnes souvent à 2 facettes. Souvent très pessimistes dans la vie. Moi, je suis un peu dans un entre-deux. Quand je travaille, c’est studieux.
Ça m’a fait rire quand j’ai entendu un acteur américain dire : « j’adore la peinture, ça me détend ». J’ai éclaté de rire, la peinture, ça fait tout sauf détendre !
Comment vous viennent vos idées ?
Tout le monde connaît la réponse, mas elle n’est pas sexy : pour trouver une idée : on la cherche ! Mais ça ne fait pas rêver !. Les gens aimeraient que ce soit magique. Il faut se mettre au travail, avec sa feuille blanche, sa concentration.
Comment vos idées deviennent des dessins ?
V : Je cherche des idées de façon orientée déjà. Je cherche la mécanique de l’idée, et après seulement je fais le dessin, la mise en scène. Au départ, j’ai juste une idée qui fonctionne, je fais un petit crobard, mais la plupart du temps, ce sont uniquement des mots. Sempé, par exemple, ne fait pas comme moi ; parfois il fait un dessin, puis il attend que l’idée vienne du dessin. Moi, je trouve l’idée d’abord, puis je fais le dessin.
Auriez-vous pu faire un autre métier ?
J’en ai fait un : j’ai travaillé dans la publicité. Je gagnais ma vie à chercher des idées aussi. J’ai toujours gagné ma vie en cherchant des idées, enfin, en en trouvant. De ce point de vue-là, c’est le même métier. Là, je viens de faire un dessin qui se passe dans une boutique de tatoueur, et je me suis dit, tiens, j’aurais fait un très bon tatoueur !
Merci Voutch !
Voutch sur Wikipédia.